Pour des villes transformables, adaptables, appropriables... Quelques réflexions.
Conçue et fabriquée comme un produit marchand, la ville risque de se réduire à une composition, maîtrisée, contrôlée et contrôlable, commercialisable et rentable, à très grande échelle.
Il faut clairement faire la différence entre la composition urbaine et le projet urbain. Les projets de "composition urbaine", envisagent la ville comme une entité conçue d’emblée, dans son unité, de manière totale voire totalitaire, présentant une très forte cohérence, unicité, monolithisme.
A contrario, la fabrication de la ville que je défend à travers le "projet urbain" se fonde sur les principes suivants :
- La ville ne peut pas être monolithique, elle doit être mutable, transformable, adaptable
- La ville doit être multiple, diverse. « L'urbanisme est une pensée du pluriel, des pratiques innombrables, restées `mineures', toujours là pourtant, quoique non-organisatrices du discours et couvrant les prémices ou les restes d'hypothèses différentes pour cette société et pour d'autres. » M. de Certeau, L‘Invention du quotidien, 1980
- La ville ne peut pas se réduire à une composition urbaine (ou sinon, nous sommes dans le cas de l’expression d’un pouvoir absolu, c’est-à-dire un régime totalitaire – le régime politique chinois en est-il un ? – ou absolutiste ; exemples merveilleux des capitales baroques).
- La ville se construit à partir de l’altérité, de la nécessité et de la confrontation d’intérêts portés par des groupes sociaux multiples.
- La production de l’urbain ne peut pas (plus) être le fruit d’une pensée d’un urbaniste démiurge. La ville, plus qu’une forme, est d’abord un processus de transformation constant et toujours inachevé. L’architecte-urbaniste prend place à un moment du processus et doit nécessairement céder sa place à un moment de ce processus : « Le rugby est un sport où l’essai se construit dans la passe. L’urbaniste n’est-il pas précisément celui qui lance la course des autres ? » Yves Lion, L’intimité avec le territoire, 2006
Même la ville de Versailles, pensée pour mettre en scène un pouvoir absolu a réussi à s’échapper de l’emprise son château pour se transformer et il en est de même de Shanghai. Les processus de développement de l’économie capitaliste, même dans un régime de type autoritaire ne permettent pas de planifier et de maîtriser toutes les dimensions du développement et de la transformation du territoire. Le rôle de l’urbaniste est de comprendre les dynamiques, d’identifier les processus et les lieux stratégiques sur lesquels l’action doit se concentrer.
Pour penser l’écologie des villes, l'urbaniste doit en envisager le développement :
- à travers une vision stratégique permettant de hiérarchiser les enjeux, de définir des priorités ( ce qui est structurant) et des aspects secondaires
- à travers une compréhension des ressources du territoire et des qualités d’un lieu
- à travers une inscription dans des processus de mutation, de renouvellement ; à travers la possibilité à cette ville ou à ce morceau de ville de se renouveler de manière « organique »
- à travers la possibilité qui est laissée aux différents agents sociaux qui contribuent à la fabrication de la ville de s’approprier cette ville, de la modeler et de la remodeler en fonction de leurs besoins et de leur évolution
- en privilégiant les ressources des groupes les plus dépourvus de ressources, en imaginant des processus d’investissement de l’espace urbain qui ne nécessitent pas de ressources matérielles ou culturelles particulières
- à travers l’inscription dans un projet démocratique d’émancipation des individus
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