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Cette catégorie regroupe ce qui relève de la pédagogie, de l'enseignement.
Nicolás Paris : quand l'art parle de pédagogie...
En quoi consiste l'enseignement ? Consiste t-il à transmettre des savoirs pré-établis, ou à amener chaque individu à penser par lui-même ? Comment l'enseignement peut-il susciter la créativité des individus ? Comment l'enseignement peut-il contribuer à l'émancipation des individus plutôt qu'à leur asservissement ? Plus que jamais, ces questions qui ont animé les discussions des philosophes des Lumières sont aujourd'hui d'actualité, alors que les sources d'informations sont de plus en plus diverses et protéiformes.
L'artiste Nicolás Paris développe, dans son oeuvre, une réflexion sur la pédagogie, la transmission, l'interaction entre les savoirs, les règles et la liberté. L'oeuvre "Flakes" est le résultat d'un dispositif de création participative. Cette oeuvre se présente sous la forme de 150 feuilles de papier découpées, accrochées sur un mur en suivant une trame régulière. Ces feuilles de papier présentent des trous, des déchirures, des pliures. Les pliures et les déchirures sont toutes différentes. On peut remarquer quelques analogies, de taille, de position, mais aucune régularité n'apparaît de manière évidente en observant les 150 feuilles composant l'oeuvre. Le titre "flakes" (flocons), peut nous renseigner : les trous sont-ils des flocons ? Ou ce titre est-il un renvoi métaphorique à la couleur de la neige que pourrait évoque le blanc des feuilles ?
En fait, ces 150 feuilles correspondent à 150 interprétation d'une même série de consignes, qui visaient à faire dessiner des flocons de neige, sans crayon, aux participants à sa performance. Avec cette démarche, Nicolás Paris nous propose une réflexion sur l'enseignement et interroge la manière dont l'enseignement peut amener à l'individu à exercer sa liberté d'interprétation, de création, me^me lorsqu'une contrainte est proposée. Elle démontre la capacité d'émancipation dont nous pouvons tous faire preuve, et que l'enseignement devrait favoriser.
La performance a eu lieu à la biennale de Venise en 2011. Les photographies présentées ici ont été réalisées dans l'exposition "Ernesto", au CEEAC à Strasbourg, où l'oeuvre "Flakes" était présentée avec d'autres oeuvres de Nicolás Paris.
Trois vues de l'oeuvre"Flakes" (courtesy de l'artiste et la galerie Luisa Strina)
Au centre, un texte écrit à la mine de plomb sur l'une des feuilles :
" Tous les flocons sont-ils identiques ou différents ?
Ils semblent être identiques quand ils tombent du ciel,
mais qui a vu un flocon au microscope ?
Et si je vous dit que chaque flocon est fait par une personne différente,
mais avec des instructions identiques ?
Tous les flocons sont-ils identiques ou différents?"
S'approprier un espace en transformation : de retour de la 4e Semaine Architecturale de Médiation (SAM) dans le quartier du Mirail à Toulouse
Ce court texte a été publié dans la revue de la SAM #4, "Parle avec le Mirail". La SAM est organisée par Clara Sandrini, enseignante à l'ENSA Toulouse, chercheuse au LRA. L'atelier a regroupé 20 étudiants du 12 au 16 janvier 2015. Les travaux réalisés dans le cadre de l'atelier sont présentés au Centre Socio-culturel de la Reynerie jusqu'au 15 février.
« Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! »
Extrait du poème « Le lac »,
Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques, 1820
La Reynerie, vue de l’autre du côté du « lac de la Reynerie », photo NF, 2015
Le quartier du Mirail est un mythe pour les architectes, qui ont tous en mémoire son plan dans les livres d’histoire de l’architecture, comme l’un des témoignages les plus marquants des débats qui ont agité les architectes modernes au tournant des années 1950 et 60. Participer à un atelier dans ce quartier constituait donc pour moi une chance et une manière de venir voir cette « œuvre » mythique cinquante ans après sa conception et quarante ans après l’arrivée des premiers habitants… Cette découverte a été d’emblée déroutante, car le « mythe héroïque » s’est immédiatement effacé derrière une réalité qui en diffère largement, car l’histoire du Mirail ne s’est pas arrêtée dans les années 1960. Ma première impression fût donc celle d’une grande stupéfaction, devant la superposition des différentes traces des transformations engagées depuis le début des années 2000 et qui ont amené au départ de milliers d’habitants vers d’autres territoires pour permettre la démolition des immeubles où ils avaient vécu. La violence de ces démolitions, permettant de faire revenir l’ « air » et la « lumière » entre les « tripodes » se lit partout, sous la forme de friches, terrains vagues, lieux en attente d’un réinvestissement qui semble se faire attendre. Ces « lieux sans maîtres » sont souvent clôturés par des barrières, grillages, murets car le renouvellement urbain veut imposer un « ordre nouveau » sur ce champ de ruines… Mais en attendant l’émergence de ces lendemains radieux, la vie et les souvenirs se glissent avec peine entre les interstices qui séparent les enclos. Le quartier de la Reynerie, sur lequel notre observation s’est concentrée, semble ainsi coincé entre deux eaux : à la fin d’une première histoire qui est effacée peu à peu, et avant le début d’une autre qui peine à advenir. Dans cet entre-deux qui dure, la vie continue, partout, parfois intense, parfois difficile, souvent aimable, et doit pouvoir encore s’emparer de cet espace-temps en apparence suspendu. Puisse cet atelier donner quelques clefs aux habitants-usagers-citoyens du quartier pour s’approprier cet espace-temps…
ADN d'un lieu - détourner la cartographie pour en faire un outil de co-production de la ville (3)
Des photographies de l'atelier "ADN d'un lieu" ont été publiées sur la page Facebook de l'ENSAL.
Pour les voir, il suffit de cliquer ici
L'un des dispositifs de médiation mis au point par les étudiants pour inciter à voir le territoire de Saint Fons autrement (photo Bernadette Forest)
Lien : le blog du séminaire "Approches radicales de la métropolisation"
Voici le lien vers le blog compilant l'ensemble des synthèses d'articles, compte-rendu de discussions et de visites, résumés d'interventions ayant fait partie du séminaire "Architecture, villes, territoires et cultures" de l'ENSA Nancy, durant lequel nous avons abordé, avec Vincent Bradel, en 2013-14, le processus de métropolisation.
Le texte d'introduction de la problématique abordée par le séminaire :
"L’humanité serait entrée dans l’ère urbaine. Associé à cette affirmation, basée sur l’augmentation de la part de la population mondiale vivant en ville – plus de la moitié depuis 2006 – on rencontre très souvent la notion de métropole ou de métropolisation, notion qui permettrait apparemment de résumer les caractéristiques de la ville contemporaine. Cette notion est utilisée autant par les chercheurs que par les villes elles-mêmes : Nancy-Métropole, Dunkerque-Métropole, Lyon-métropole... La loi française (loi du 23 juillet 2012) semble même avoir consacré le fait métropolitain en lui attribuant de nombreuses prérogatives relevant jusqu’alors de la commune ou du département.
Le « fait métropolitain », qui pourrait apparaître comme une simple bannière susceptible de faire converger les citoyens (et surtout les grands investissements et investisseurs) dans un territoire rendu visible, se traduit bien évidemment par des évolutions de la forme, de l’organisation, des modes de gestion et des modes de vie qui se déploient dans l’espace « métropolitain « ou métropolisé. On privilégiera davantage la notion de métropolisation (qui désigne un processus), que de métropole (qui désigne une entité stable), car l’on postule, ce sera l’un des fils conducteurs de ce séminaire, que la métropolisation n’est pas un processus stable ni continu, mais qu’il résulte davantage de l’opposition et de la tension entre des processus opposés : proximité versus mise à distance, mise en réseau versus ségrégations, consommation effrénée versus frugalité, développement inégal versus homogénéisation des modes de vie et des cultures, accumulation versus dispersion...
Au cours du semestre, nous étudierons différents aspects de ce phénomène, afin d’en élaborer, collectivement une analyse approfondie et critique. Cette approche doit permettre d’en déconstruire progressivement les apories et d’en dégager des enjeux pour l’action des citoyens - architectes - habitants".
Athènes, penser la ville de l'après-crise ?
Voici le lien permettant de télécharger, à partir du site internet de l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Strasbourg, la publication réalisée à l'issue de l'atelier de projet urbain qui a eu lieu à Athènes en novembre 2011 : Athènes, penser la ville de l’après-crise ?
Voici le préambule de la publication, co-rédigée avec V. Ziegler et D. Neidlinger :
Athènes est une ville, qui, comme beaucoup de villes-port ou de villes situées sur un littoral, a connu une très forte croissance au XXe siècle, liée notamment à l’accroissement des flux marchands et humains de l’économie-monde. La croissance urbaine d’Athènes et de son agglomération a été plus tardive que celle qui a touché la plupart des villes d’Europe au cours de la révolution industrielle mais plus concentrée et plus rapide, entraînant une extension exponentielle de l’emprise urbanisée.
Ce développement très rapide et parfois difficilement contrôlable et contrôlé se heurte aujourd’hui à de multiples CRISES, qui constituent des ENJEUX et des POTENTIELS qui doivent permettre de repenser le développement d’Athènes :
- Une CRISE ECONOMIQUE, liée à la métropolisation et à la globalisation de l’économie, due notamment à la baisse tendancielle de la plus-value au cours du XXe siècle. L’économie grecque n’a jamais été réellement industrielle, mais la crise structurelle qui affecte l’économie européenne touche aujourd’hui la Grèce intégrée à l’Union Européenne.
- Une CRISE FINANCIERE, qui constitue le corollaire de la précédente et liée à la crise globale du système économique capitaliste et réduit fortement les capacités d’investissement et de fonctionnement des Etats.
- Une CRISE URBAINE, qui se décline à travers plusieurs symptômes :
- L’obsolescence programmée et prévisible d’une très grande partie des infrastructures et des structures urbaines qui se sont développées au cours de la seconde moitié du XXe siècle.
- L’inadaptation des réseaux de déplacement collectifs à l’extension de la métropole, due à de très longues périodes de sous-investissement
- L’absence de coordination des investissements et l’absence de gestion d’un développement urbain fondé avant tout sur la micro-propriété familiale.
- L’absence de mise en cohérence des échelles de réflexion pertinentes pour les différents grands investissements réalisés notamment pour les Jeux Olympiques de 2004.
- Une crise de surproduction de l’investissement immobilier, qui se caractérise probablement par l’existence d’une forte offre en logement inadaptée aux demandes réelles
- Une CRISE POLITIQUE ET SOCIALE, qui nécessite de reconstruire des niveaux de coopération, de solidarité voire de gouvernement nouveaux et plus démocratiques, transformation qui doit être porté par les catégories sociales populaires fortement précarisées par la crise financière.
Notre atelier, qui regroupe 14 étudiants et trois enseignants en architecture réunis pour 10 jours dans la métropole Athénienne, ne peut répondre à l’ensemble des ENJEUX énumérés ci-dessus. Nos propositions se saisissent cependant pleinement de cette situation, et veulent s’appuyer sur le POTENTIEL offert par cette situation globale de crise pour apporter une réponse localisée, c’est-à-dire adaptée à des lieux, des contextes et des vécus particuliers, mais pleinement inscrits dans les grandes dynamiques en cours. Les propositions de transformation de l’espace urbain envisagées durant ce workshop doivent contribuer à fonder un espace d’expérimentation propice à la définition d’horizon d’attente partagé pour le futur de la métropole Athénienne.
De manière transversale, les différentes propositions partagent une posture sociale et critique et s’attachent à répondre aux enjeux suivants :
- Répondre au sous-investissement par le sur-investissement « social » ou « socialisé », afin de renouveler la ville sur elle-même en s’appuyant sur les usages de l’espace public et sur les différentes appropriations possibles avec le moins de moyens financiers possibles
- Retrouver des articulations entre les sur-investissements réalisés ponctuellement (ex : secteur de Neo-Faliro) et leur environnement humain et urbain
- Accompagner la mutation « écologique » et « économique » du territoire, en s’appuyant sur les potentiels du déjà-là (souplesse fonctionelle de l’architecture des années 1960) et sur les activités économiques inscrites dans un circuit court et permettant un développement et un réinvestissement local
- Garder une place pour l’informel et le non-organisé (qui permet aux plus modestes de survivre) mais constitue un vecteur pour la réappropriation collective de l’espace urbain ( socialiser l’auto-régulation actuelle).
Athènes 2011 - deux double-pages de mon carnet de voyage à Athènes.