passages

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(poésie de la relation) de Francisco de Goya à Léon-Gontran Damas

POUR TOI ET MOI

 

 

Pour toi et moi

qui ne faisions l’un et l’autre

Qu’un seul pris hier encore

au jeu du nœud coulant

à moins que ce ne fût

au nœud coulant du jeu

ou encore au jeu coulant du nœud

voici que chante pour nous deux

la rengaine de l’un sans l’autre

tous deux désormais dos à dos

 

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Dos à dos je ne

dos à dos tu ne

dos à dos je ne sais

dos à dos tu ne sais

je ne

tu ne

nous

nous ne savons l’un l’autre

plus rien de l’un

plus rien de l’autre

si ce n’est ce grand besoin que nous avons l’un l’autre

de ne plus rien savoir de l’un de l’autre

défait

dé-lié

dé-noué

le jeu coulant du nœud

le nœud coulant du jeu

le jeu du nœud coulant

 

 

Léon-Gontran DAMAS, Névralgies, 1937

 

Images : photographies du portrait de Bernard de Iriarte  de Francisco de Goya,  1797,

Musée des Beaux-Arts de Strasbourg



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J'entretiens depuis plus de vingt ans une relation intense avec l'oeuvre de l'artiste Francisco de Goya, depuis que je tombai, chez un bouquiniste où j'avais l'habitude d'aller perdre mon temps et mes économies à la sortie du lycée, sur une édition des "Caprices". Ces images de songes, sorcières, monstres, femmes et hommes dans l'inquiétude ou la folie, dans la violence ou l'apathie, eut sur mon esprit adolescent un effet inoubliable : je ne quittai plus les images des yeux, tournant nerveusement les pages, observant avec frénésie chaque image et découvrais peu à peu ce qui se cachait dans les ombres de chaque image. Je découvris la peinture de Goya un peu plus tard, à travers ce portrait, présenté au musée des beaux-Arts de Strasbourg. Depuis, je lui rendis régulièrement visite, comme à un ami et nouai petit à petit une relation intime avec chaque coups de pinceau de Goya, des plus fins, ceux qui soulignent le contour des lèvres frémissante du modèle, à ceux, plus larges, qui constituent le manteau de velours du modèle, mêlant l'évocation précise de la sensation de la matière au flou du pinceau au flou d'un corps qui respire et semble vivre face au spectateur qui le contemple 222 ans plus tard.

 

Et pourquoi Léon-Gontran Damas ? Parce qu'il s'agit aussi d'un ami, avec qui je noue, par-delà le temps, une relation sensuelle, presque sentimentale, non pas sur les pigments (quoique la poésie de Léon-Gontran Damas est pleine de couleurs !) mais sur les mots, alignés et imbriqués, qui évoquent, dans le poème repris ici, le récit d'une relation, intime et violente, intense et détachée, avec un être, une oeuvre un corps, une vie lointaine comme l'est la mienne de celle de Goya ou de Léon-Gontran Damas.

 



10/11/2019
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