S'approprier un espace en transformation : de retour de la 4e Semaine Architecturale de Médiation (SAM) dans le quartier du Mirail à Toulouse
Ce court texte a été publié dans la revue de la SAM #4, "Parle avec le Mirail". La SAM est organisée par Clara Sandrini, enseignante à l'ENSA Toulouse, chercheuse au LRA. L'atelier a regroupé 20 étudiants du 12 au 16 janvier 2015. Les travaux réalisés dans le cadre de l'atelier sont présentés au Centre Socio-culturel de la Reynerie jusqu'au 15 février.
« Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! »
Extrait du poème « Le lac »,
Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques, 1820
La Reynerie, vue de l’autre du côté du « lac de la Reynerie », photo NF, 2015
Le quartier du Mirail est un mythe pour les architectes, qui ont tous en mémoire son plan dans les livres d’histoire de l’architecture, comme l’un des témoignages les plus marquants des débats qui ont agité les architectes modernes au tournant des années 1950 et 60. Participer à un atelier dans ce quartier constituait donc pour moi une chance et une manière de venir voir cette « œuvre » mythique cinquante ans après sa conception et quarante ans après l’arrivée des premiers habitants… Cette découverte a été d’emblée déroutante, car le « mythe héroïque » s’est immédiatement effacé derrière une réalité qui en diffère largement, car l’histoire du Mirail ne s’est pas arrêtée dans les années 1960. Ma première impression fût donc celle d’une grande stupéfaction, devant la superposition des différentes traces des transformations engagées depuis le début des années 2000 et qui ont amené au départ de milliers d’habitants vers d’autres territoires pour permettre la démolition des immeubles où ils avaient vécu. La violence de ces démolitions, permettant de faire revenir l’ « air » et la « lumière » entre les « tripodes » se lit partout, sous la forme de friches, terrains vagues, lieux en attente d’un réinvestissement qui semble se faire attendre. Ces « lieux sans maîtres » sont souvent clôturés par des barrières, grillages, murets car le renouvellement urbain veut imposer un « ordre nouveau » sur ce champ de ruines… Mais en attendant l’émergence de ces lendemains radieux, la vie et les souvenirs se glissent avec peine entre les interstices qui séparent les enclos. Le quartier de la Reynerie, sur lequel notre observation s’est concentrée, semble ainsi coincé entre deux eaux : à la fin d’une première histoire qui est effacée peu à peu, et avant le début d’une autre qui peine à advenir. Dans cet entre-deux qui dure, la vie continue, partout, parfois intense, parfois difficile, souvent aimable, et doit pouvoir encore s’emparer de cet espace-temps en apparence suspendu. Puisse cet atelier donner quelques clefs aux habitants-usagers-citoyens du quartier pour s’approprier cet espace-temps…
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