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Un voyage d'hiver (1)

Ecrire n’est pas décrire ? Ou l’écriture pourrait-elle se limiter à la description du monde, à son observation et à sa transcription, patiente, lente et ininterrompue comme un fleuve alangui ? Il suffirait de prendre le temps de regarder, de trouver le mot, le mot qui désigne la chose et son impression tant que cette impression et cette chose restent à l’esprit, avant qu’elle soit remplacée par une autre, et ainsi de suite.

 

Devant moi se trouve une haie taillée, géométrique, que mon regard surplombe. A coté d’elle, dans un contraste saisissant, un arbuste, décharné, dont il ne reste que les branches anguleuses. La structure interne de la haie taillée est invisible, réduite à une géométrie parallélépidique, presqu’abstraite. La structure de l’arbuste est nue, complexe. Elle se déploie du côté opposé à la haie. Cette croissance feint le mouvement, comme une sorte d’élan par lequel les branches se seraient projetées dans cette direction. Derrière l’arbuste et la haie se déploie une étendue de pelouse, parsemée de petites fleurs, traversée par une clôture faite d’un grillage vert sombre, qui contraste sans le vouloir avec le vert de la pelouse. Une étendue goudronnée vient l’interrompre, traversant dans sa largeur notre cadre. Deux arbres en émergent, eux aussi dépourvus de feuillage. Une branche d’un troisième arbre apparaît également à la droite du cadre. Ce dernier arbre est plus proche de nous que les deux autres. Il est encore parsemé de quelques rares feuilles brunes disposées sans logique apparente.

 

Plus loin encore, derrière la chaussée grise, s’étend une seconde étendue de pelouse sur laquelle on ne distingue pas de fleurs. Au milieu de la chaussée, on voit très distinctement un objet rond, bleu, traversé par une flèche blanche oblique pointant vers le sol. Des barrières métalliques bleues et ajourées délimitent l’étendue goudronnée et la pelouse. Cette deuxième pelouse est interrompue, au loin, par un mur gris, d’une hauteur difficile à appréhender. Est-ce la hauteur d’un homme ? D’un enfant ? Nul homme, nul enfant ne traverse notre cadre pour nous permettre d’appréhender l’échelle des éléments qui se donnent à regarder. Derrière le mur de béton à la hauteur indéterminée, une autre étendue de pelouse, d’un vert qui diffère des autres verts rencontrés jusqu’ici dans notre relevé par sa vive clarté. A l’arrière-plan, on distingue une seconde haie taillée, géométrique elle-aussi. Des petites tâches de couleurs parsemées de croix sont visibles à la gauche de la haie. Les quelques croix semblent parsemées d’objets brillants dont il est impossible de distinguer les contours.

 

La couronne de quelques arbres nus vient cacher le haut de l’arrière-plan, que l’on ne peut décrire qu’à travers quelques conjectures, en assemblant les fragments qui émergent de cet alignement planté. Ces arbres sont encore pourvus de feuilles brunes également, plus nombreuses encore que sur l’arbre présent au premier plan. On distingue ainsi quelques fragments de toits et de pignons de maisons. L’une d’elles est bien visible, car le pignon est jaune acidulé, contrastant avec le ciel calme.  Ce dernier est interrompu par le rideau qui traverse la fenêtre. Le rideau ne laisse que filtrer le blanc du ciel et la lumière qui vient s’échouer contre le mur de la chambre.  On ne distingue aucun mouvement, si ce n’est celui de la lumière et des oiseaux noirs qui traversent le cadre régulièrement. 



25/12/2014
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